01/05/2019

L’« hypothèse » Parolin

Par Daniel Hamiche

Dans leurs prospectives – bien imprudentes – certains vaticanistes, et non des moindres, ont imaginé le scénario suivant pour un prochain et peut-être lointain conclave : en face d’un cardinal « conservateur » (on a beaucoup – trop peut-être – parlé de Robert Sarah, 74 ans, préfet de la Congrégation pour le Culte divin), se dresserait un cardinal « progressiste », Luis Antonio Tagle (60 ans), archevêque de Manille, sans que ni l’un ni l’autre puissent recevoir les deux-tiers des voix nécessaires. Un troisième homme, un « centriste », pourrait alors émerger, rassurant les uns sans effrayer les autres. Il serait présenté comme ayant toutes les garanties de sérieux dans l’organisation du gouvernement auquel aspire aujourd’hui le Sacré Collège : ce serait le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État (64 ans).

Parolin, un centriste ?

À moins que le secrétaire d’État n’ait de centriste que l’apparence. On se souvient que les cardinaux qui s’autodésignaient sous l’appellation de « Groupe de Saint-Gall » et qui ont porté au pouvoir Jorge Bergoglio, usèrent, en 2013, d’une manœuvre consistant à mettre en avant le nom du cardinal Scherer de São Paulo, pour faire avancer à couvert leur vrai candidat, l’archevêque de Buenos Aires. Derrière le cardinal Tagle serait aujourd’hui le cardinal Parolin.

Originaire de Vénétie, il entre très vite dans les services diplomatiques du Saint-Siège, le cardinal Casaroli étant secrétaire d’État et Achille Silvestrini, secrétaire des relations avec les États (ministre des Affaires étrangères), chef de file, durant des décennies, de la Rome libérale. Grand travailleur, Pietro Parolin a acquis d’emblée, sous la direction de son mentor Silvestrini, une grande connaissance de la Curie au plus haut niveau, en même temps que des chancelleries du monde. Il servit tout de suite dans diverses nonciatures, puis revint à Rome en 1992, le cardinal Sodano étant secrétaire d’État. Devenu sous- secrétaire pour les relations avec les États, sous Jean-Louis Tauran, qui avait succédé à son patron Silvestrini comme secrétaire des relations avec les États, et qui deviendra cardinal en 2003, Pietro Parolin se signala dans ce poste par son savoir-faire dans des tractations délicates (Mexique, Vietnam), mais n’eut pas l’heur d’y plaire au cardinal Bertone, secrétaire d’État de Benoît XVI en 2006, qui voulut le remplacer par un de ses fidèles, Ettore Balestero, aujourd’hui nonce au Congo. Bertone expédia Parolin, en 2009, dans la plus difficile des nonciatures, celle du Venezuela (il y fit la connaissance d’Edgar Peña Parra, prélat vénézuélien très discuté, dont il fera malgré tout son premier collaborateur comme substitut pour les Affaires générales, en 2018).

En outre, à Caracas, l’attitude habile de Pietro Parolin face à Hugo Chavez fut très appréciée par le cardinal Bergoglio, archevêque de Buenos Aires. Devenu Pape, il se laissa facilement convaincre par les cardinaux Silvestrini et Tauran d’appeler, en août 2013, ce diplomate chevronné et de sensibilité libérale, pour remplacer… le cardinal Bertone. Le Pape a-t-il cru, par ailleurs, que Parolin pouvait l’aider à devenir une sorte de représentant moral de l’Amérique latine face au vieux monde occidental, celui des États-Unis arrogants et de l’Europe décadente ? Si c’est le cas, grande fut la déception. Parolin n’a fait qu’accompagner l’effondrement de ce rêve bergoglien, provoqué par l’arrivée de Trump au pouvoir (à laquelle il ne croyait pas) et aussi en raison des échecs divers du pontificat, par scandales et mauvaises donnes, au Chili, au Brésil, en Colombie, où le politique Pape Bergoglio a montré ses limites.

L’âge de Pietro Parolin (58 ans) entrant dans cette fonction de second personnage de l’Église romaine, a permis de le comparer avec le cardinal Pacelli, futur Pie XII, devenu secrétaire d’État au même âge. En fait, la nomination de ce fils spirituel du cardinal Silvestrini renouait avec la ligne d’une diplomatie d’« ouverture » qu’avait représentée jadis le cardinal Casaroli, le principal artisan de l’Ostpolitik, interrompue en 1990 par la nomination d’Angelo Sodano comme secrétaire d’État, dans un contexte d’effondrement de l’empire soviétique et en conséquence, pour l’Église, de reconquête plus ou moins réussie sur la théologie de la libération en Amérique latine.

De sorte qu’homme nouveau par son âge, Parolin est aussi l’homme d’un monde ancien qui a ressurgi avec François après une longue période de « restauration » wojtylo- ratzinguérienne. Aussi bien n’a-t-on pas à espérer qu’il épure les membres du « lobby homosexuel », ni non plus qu’il écarte des airs du pouvoir des hommes aussi contestés que Maradiaga, Coccopalmerio, O’Brien, Farrell, Paglia, Zanchetta, tous hommes du parti qui s’est installé aux commandes.

Pietro Parolin fut créé cardinal en février 2014. Le Saint-Père l’ajouta même aux huit cardinaux formant un Conseil destiné à lui faire des propositions pour la réforme de la Curie, ceci à l’étonnement général, car tout le monde croyait que l’un des axes de cette réforme serait la réduction du pouvoir considérable de la Secrétairerie d’État, tel que voulu par Paul VI. Pietro Parolin a d’ailleurs habilement manœuvré pour invalider l’efficace remise en ordre qu’avait commencée le cardinal Pell, autour du secrétariat pour l’Économie, pour les organes financiers du Saint-Siège et de l’État de la Cité du Vatican, laquelle enlevait une part importante de contrôle à Parolin. Aidé du cardinal Calcagno, président de l’APSA (l’Administration du patrimoine du Siège Apostolique), du cardinal Versaldi, ancien président de la Préfecture des Affaires économiques, devenu préfet de la Congrégation pour l’Éducation, et du cardinal Bertello, président du Gouvernorat de l’État de la Cité du Vatican, il a fait en sorte de torpiller le fougueux Pell : de l’audit organisé pour l’ensemble des entités financières du Vatican, Parolin fit exclure, en juin 2016, la Secrétairerie d’État, ce qui enlevait tout son objet à la remise à plat organisée par Pell, laquelle fut suspendue. Le Pape, selon un jeu qu’il aime bien de dresser l’un contre l’autre ses collaborateurs, laissant complaisamment les mains libres au secrétaire d’État.

Un épisode révélateur :
la mise au pas de l’Ordre de Malte

Les faits sont connus. Le groupement allemand de l’Ordre, qui est la plus riche d’entre ses composantes, gère efficacement de nombreuses œuvres caritatives dans le monde. Or, le Grand Maître, élu à vie en 2008, Fra Matthew Festing, un Anglais, fut informé que des agences dépendant de l’association allemande distribuaient des préservatifs, spécialement en Asie et en Afrique, sous la responsabilité du Grand Hospitalier, le baron Albrecht von Boeselager (qui n’avait pas organisé cette distribution mais qui en était informé). Boeselager venait d’être élu Grand Chancelier (premier ministre de l’Ordre).

Le Patron de l’Ordre (sorte d’ambassadeur du Pape), le cardinal Burke, en novembre 2016, dans une audience avec le Pape, l’informa de l’affaire, en demandant l’autorisation d’agir contre le Grand Chancelier. Le Pape l’accorda oralement et par une lettre d’approbation au cardinal Burke du 1er décembre 2016, en termes généraux. Le Grand Maître demanda sa démission à Boeselager, en vertu de son obéissance religieuse et, sur son refus, le démit lui-même.

Mais Boeselager, par ailleurs s’était engagé, en prenant de gros risques, dans une affaire de remise de 30 millions d’euros à l’Ordre par un organisme suisse. Le temps pressait pour lui. Il était très lié au cardinal Parolin, lequel le repêcha : contre toute évidence, il interpréta la lettre du Pape comme demandant seulement un « dialogue » avec Boeselager et surtout pas sa « démission » (c’est celle de Festing qu’on préparait). Sans désemparer, le cardinal Parolin désigna, le 22 décembre 2016, une commission chargée d’examiner le renvoi du Grand Chancelier. En d’autres termes, il organisait une sorte de visite canonique sur une entité politique souveraine, même si, comme ordre religieux, Malte relevait aussi de la Congrégation pour les Religieux (mais pas de la Secrétairerie d’État). Et le 24 janvier, le Pape François exigea la démission immédiate de Fra Matthew, le baron von Boeselager devant être rétabli dans ses fonctions de Grand Chancelier, dans lesquelles il prit de fait les commandes de l’Ordre. Étrange retournement de situation, au détriment de Fra Matthew et en définitive de la morale catholique.

Les fonctions effectives du cardinal Burke étaient suspendues, et Mgr Becciu, alors substitut pour les Affaires générales de la Secrétairerie d’État (depuis, préfet de la Congrégation pour la Cause des Saints), était nommé délégué spécial du Pape pour diriger l’Ordre à la place du Grand Maître et l’orienter vers une réforme destinée à le réduire à une sorte d’ONG catholique. Et Boeselager fit récupérer par l’Ordre les 30 millions d’euros que retenait l’organisme suisse dont on a parlé.

Le désastreux accord Parolin avec la Chine

Le professionnalisme du nouveau secrétaire d’État avait permis, dès son entrée en fonction, de faire retrouver à la diplomatie vaticane une image bien plus favorable que sous son prédécesseur Bertone. Mais sa constante réussite, depuis le début de sa carrière, dans des négociations délicates et audacieuses, a-t-elle fini par causer chez lui une sorte de griserie ? En tout cas, l’accord provisoire qu’il a passé avec la République populaire de Chine, le 22 septembre 2018, a stupéfié par son irénisme dont les conséquences ne peuvent qu’être désastreuses.

Des négociations exploratoires avaient été menées de longue date par le Saint-Siège, notamment par les visites successives en Chine du cardinal Etchegaray. Un certain nombre des évêques « officiels » nommés par Pékin, d’abord, puis peu à peu la grande majorité d’entre eux, avaient, à leur demande et après examen au cas par cas, été réintégrés dans la communion avec Rome. En outre, Mgr Nugent, en poste à la « Mission d’Études » de Hong-Kong (dont l’évêque, Mgr Zen, fut créé cardinal par Benoît XVI), fit en sorte, à partir de 2002, que certains évêques nommés par Pékin, le soient aussi par Rome, aux termes d’accords mutuels.

Le Pape François et le cardinal Parolin organisèrent des négociations directes avec Pékin au moyen d’une commission mixte, menée côté romain par Mgr Celli. En diverses occasions, le Saint-Père manifesta publiquement le plus de bonne volonté possible vis-à-vis de la Chine. En outre, il réutilisa les services du cardinal McCarrick, ancien archevêque de Washington, mis en pénitence par Benoît XVI pour ses crimes de prédateur sexuel (1). Il s’était déjà rendu à plusieurs reprises en Chine : le Pape lui donna mandat de recommencer ses voyages auprès des catholiques « officiels », et ce, jusqu’en 2016. Mais, dans le même temps, les persécutions contre les chrétiens catholiques et protestants se poursuivaient, notamment par la destruction d’églises organisée à grande échelle.

L’accord Parolin de 2018 dépassait les concessions de l’Ostpolitik en vigueur sous Jean XXIII et Paul VI, puisqu’il concédait aux autorités chinoises, toujours activement persécutrices, ni plus ni moins que la « présentation » des évêques à nommer par Rome. Ce qui provoqua immédiatement des critiques scandalisées, notamment celles du cardinal Zen, accusant Pietro Parolin, « homme de peu de foi », de « vendre l’Église catholique au gouvernement communiste ». Le cardinal Zen stigmatisait aussi la réintégration dans la communion romaine, en vertu de cet accord, des sept derniers évêques « officiels », dont deux mariés. Il fustigeait surtout le sort fait aux évêques clandestins, qui sont écartés du gouvernement des diocèses s’ils ne sont pas approuvés par les autorités communistes (deux évêques clandestins ont déjà dû céder leur place à des « officiels »).

Le plus triste, disait le cardinal Zen, étant que le secrétaire d’État ait cité une phrase de la Lettre de Benoît XVI à l’Église de Chine de 2007 – « La solution des problèmes existants ne peut pas être recherchée dans un conflit permanent avec les autorités civiles légitimes » –, trop heureux que le pape Ratzinger ait reconnu la légitimité des autorités communistes, mais en tronquant la phrase de sa suite – « Cependant il n’est pas acceptable de se rendre aux volontés des autorités civiles lorsqu’elles interviennent indûment dans des affaires concernant la foi et la discipline de l’Église ». Et le cardinal Zen d’inviter le coupable de cette « incroyable trahison » à démissionner. Les événements qui ont immédiatement suivi l’accord ont d’ailleurs montré qu’il n’était qu’un paravent pour les persécuteurs communistes à leur intention de faire passer peu à peu l’Église des martyrs sous leur contrôle.

L’ami des puissants de l’heure

Très étonnante a été la participation du deuxième personnage de l’Église à la réunion d’un club dont les visées sontparfaitement étrangères à sa doctrine sociale, c’est-à-dire son enseignement socio-politique : il s’agissait de la conférence annuelle, à huis clos, du groupe Bilderberg, qui se tenait à Turin, du 7 au 10 juin 2018, au menu de laquelle était l’analyse de la montée « préoccupante » des populismes. Ce groupe d’une grosse centaine de personnes, cooptées parmi les personnalités influentes de la diplomatie, des affaires, de la politique, des médias, dont un bon nombre ne cachent pas leur appartenance « humaniste », a été fondé en 1954 par David Rockefeller, et se veut aujourd’hui un relais efficace de l’idéologie mondialiste. Les médias anglo-saxons notaient que le groupe passait pour un « faiseur de rois », qui a accueilli des hommes devenus par la suite des chefs d’État, tel Emmanuel Macron : l’invitation faite à Parolin pouvait indiquer que l’élite des décideurs mondiaux verrait d’un bon œil…

Bien entendu, le porte-parole du Vatican s’est voulu rassurant : le secrétaire d’État du Vatican n’a été présent « qu’un court laps de temps – environ une heure trois-quarts », aucours duquel il a prononcé un discours « sur la doctrine sociale de l’Église ». Le porte-parole a insisté : le cardinal était là « simplement pour transmettre l’enseignement social catholique ». En un mot, pour évangéliser la banque mondiale. Non moins surprenante a été la réception par le secrétaire d’État, le 5 avril 2019, d’une cinquantaine d’avocats, magistrats, politiques, militant tous pour la décriminalisation de l’homosexualité. Le personnage-clé de cette délégation était le professeur émérite de criminologie de Buenos Aires, Raúl Zaffaroni, un ami de longue date de Jorge Bergoglio, connu pour ses positions très libérales et son engagement pour la reconnaissance légale des « mariages » homosexuels, comme pour la décriminalisation de l’avortement.

Une pression-manipulation fut organisée par Zaffaroni et par le journaliste militant de la cause, Frédéric Martel, récent auteur du livre à scandale, Sodoma : Zaffaroni et Martel ont annonçé que le Pape François recevrait la délégation et prononcerait un discours « historique » sur la décriminalisation de l’homosexualité. Information démentie par le porte-parole par intérim de la Salle de Presse du Vatican, Alessandro Gisotti. Du coup, comme par une sorte de compromis obligé, le secrétaire d’État a longuement reçu les porte-parole des revendications LGBT, geste sans précédent et d’une grande puissante symbolique.

Le Concile ! Le Concile ! Le Concile !

Si donc Pietro Parolin a un « programme », on pourrait dire que c’est le programme bergoglien, mais mieux pensé à long terme et sans la rugosité du pape argentin.

D’un côté, par exemple, on le voit reprendre à son compte le thème de la révision de la discipline du célibat sacerdotal. Dans un entretien qu’il a donné au quotidien italien publié aux États-Unis, America Oggi, le 2 octobre 2018, il s’est dit convaincu de la nécessité de « s’interroger » pour vérifier si le célibat des prêtres « est vécu dans toutes ses potentialités et s’il est apprécié et valorisé ». Langage embarrassé que la suite permettait de comprendre : « L’enseignement sur le célibat ecclésiastique remonte à la tradition apostolique, mais n’est pas appliqué dans certaines Églises catholiques orientales ». Et de tempérer aussitôt : il ne faut pas attendre de « changement drastique » sur la question, mais un « ap-profondissement graduel ». Il avait, au reste, déjà affirmé, en 2013, que le célibat des prêtres « n’était pas un dogme, mais une tradition ecclésiastique », et que la discussion était donc possible. Le cardinal prépare ainsi, par touches successives, l’« approfondissement graduel » que va réaliser l’assemblée du Synode sur l’Amazonie, en octobre prochain.

D’un autre côté, alors qu’il avait fait inscrire, le 7 juin 2017, aux Acta Apostolicae Sedis, au titre de « magistère authentique », la louange adressée par le Pape aux évêques argentins pour leur interprétation ultralibérale d’Amoris laetitia, il commentait, le 28 septembre 2017, la Correctio filialis de 62 théologiens qui relevaient quant à eux sept propositions hérétiques dans l’exhortation apostolique, en disant : « Il est important de dialoguer aussi au sein de l’Église » ! Sans cependant avoir jamais mis depuis à exécution cette résolution.

Mais le discours qui nous en apprend le plus sur l’ecclésiologie paroline a été prononcé le 14 novembre 2017, à Washington, où le secrétaire d’État a des contacts nombreux, à la Catholic University of America, où il recevait un doctorat honoris causa en théologie. Il y fit une longue leçon magistrale de 55 mn en italien à la gloire de Vatican II, qui avait toutes les allures d’un manifeste, dans lequel il se plaçait avec insistance dans le sillage du Pape François comme réalisant pleinement les intentions du Concile. Discours trop clair et susceptible d’inquiéter? Il n’est plus trouvable en ligne, pas même sur le site Web de l’Université. Par chance, une vidéo, qui le rapporte intégralement, demeure : https://www.youtube.com/watch?v=qCi5kEroNnM

Pour Pietro Parolin, le Concile Vatican II est fons et origo de l’Église d’aujourd’hui et de celle du futur. Les Pères y ont adopté un paradigme nouveau, celui d’une Église, qui a certes toujours été catholique, mais qui est alors devenue mondiale, dégagée de sa coïncidence avec l’Europe. D’où résultent diverses conséquences, comme l’introduction des langues locales dans la liturgie et la légitimation de théologies locales. L’adjectif « mondiale » accolé à l’Église, étant utilisé avec une ambiguïté semblable à celle de l’adjectif « œcuménique » pour qualifier le Concile (concile général ou bien concile qui a fait triompher le rapprochement avec les séparés ?). Et Parolin d’expliquer que, de même que l’Église serait passée, selon lui, à l’origine, du judéo-christianisme au pagano-christianisme, elle a fait une mue, lors de Vatican II, tout aussi radicale.

Un processus « irréversible »

Pietro Parolin cite Mgr Doré, pour lequel, après Vatican II, rien ne sera plus jamais comme avant. Processus « irréversible », martèle le cardinal. Et il souligne que parmi les nouveautés profondes de Vatican II, mises en lumière par le Pape François, est l’introduction « irréversible », pour tous et à tous les niveaux, de la synodalité (notion qui élargit la collégialité, au-delà des évêques, à l’ensemble du Peuple de Dieu). Parolin la qualifie de conciliarité, laquelle « rééquilibre » l’organisation monarchique anté conciliaire.

Son discours laissait même entendre que les conférences épiscopales font partie de la constitution divine de l’Église du fait de l’ordination épiscopale des évêques : la sacramentalité de l’épiscopat, d’où résulte le munus de chaque évêque, est mise en œuvre par les conférences. Ainsi, le caractère sacramentel conféré à l’évêque serait en somme de nature synodale et la collégialité d’origine sacramentelle. Au total, ce discours de Parolin le mettait dans la position de celui qui, partageant l’esprit de François (la pleine réalisation du Concile), en « corrige les égarements sans trahir son esprit » (Julia Meloni, “Cardinal Parolin: The Next Pope?”, « Cardinal Parolin : le prochain pape ? », One Peter Five, 20 mars 2019). Pietro Parolin serait ainsi destiné à être celui qui réussirait le projet lancé par l’élection de François : conduire Vatican II à son terme.

Daniel Hamiche

1. Le cardinal Parolin a d’ailleurs omis de répondre à une lettre de mai 2014, dans laquelle Mgr Viganó, alors nonce aux États-Unis, l’interrogeait pour savoir si les mesures prises par le pape Benoît XVI contre McCarrick étaient ou non toujours valables.