01/05/2021

Bugniniser les basiliques romaines

Par Don Pio Pace

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C’est un fait aussi vieux que la liturgie célébrée à Rome : elle a servi, à toutes les époques, de modèle qu’on imite dans tout le catholicisme latin. Or, la basilique Saint-Pierre de Rome vient d’être le théâtre de quelques incidents liturgiques d’apparence mineure, lourds cependant de signification. Vitrine privilégiée, elle fait l’objet de toutes les attentions du pape François. En nommant Archiprêtre de Saint-Pierre, le 20 février dernier, le cardinal Mauro Gambetti, un franciscain de 55 ans, il lui a donné comme feuille de route de procéder à une bugninisation de la liturgie de la basilique, opération qui entre dans un plan plus général consistant à redonner vigueur, à partir de Rome, à la réforme de Paul VI.

Comme Saint-Jean de Latran et Sainte-Marie Majeure, l’archi-basilique Saint-Pierre est pourvue d’un chapitre de chanoines qui sont considérés comme des prélats du rang le plus élevé (ils ont rang de protonotaires). Pas le moins du monde intégristes, ils sont cependant classiques et maintiennent dans ce lieu éminent de la chrétienté une dignité toute romaine… qui exaspère le pontife actuellement régnant. Apercevant un jour deux d’entre eux faisant leur service auprès de cardinaux dans leur habit de chœur violet, il s’est écrié : « Qui sont ces prêtres en technicolor? »

Le 12 mars dernier, comme on sait, une décision émanant de la Secrétairerie d’État a éliminé de la basilique la célébration de messes individuelles en forme ordinaire au profit des concélébrations (la mesure visant surtout les membres de la Curie qui avaient conservé la fâcheuse et archaïque habitude de célébrer des messes individuelles sur les autels de la basilique avant se rendre à leur bureau).

Puis est venue une interdiction faite aux chanoines de célébrer l’Office divin (la Liturgie des Heures), comme ils le faisaient, dans la Chapelle de l’Immaculée, ou Chapelle du Chœur, près de la Sacristie, jusqu’à ce que leur soient donnés de nouveaux statuts. Or, la charge des chanoines d’une cathédrale, d’une basilique, d’une collégiale, est d’abord et avant tout la récitation de l’Office divin, prière officielle de l’Église, prière de l’Épouse à son Époux à laquelle ils sont spécialement délégués. Si, en Italie, il est resté quelques chapitres célébrant encore l’Office, cette célébration a pratiquement disparu de la plupart des cathédrales européennes, faute de pouvoir consacrer des prêtres à cette fonction. L’interruption de l’Office divin à Saint-Pierre est une véritable hérésie liturgique qui a dû faire se retourner dans son sépulcre Chrodegand, évêque de Metz au VIIIe,auteur d’une règle canoniale fondatrice.

Et puis le 1er mai, alors que commençait le mois de Marie, avec ses récitations du chapelet dans toutes les églises de Rome, il a été expressément interdit aux vénérables chanoines de se joindre au pape qui venait dire le chapelet à la Chapelle Grégorienne, dans la basilique vaticane, devant l’image de Notre Dame du Perpétuel Secours. Chanoines interdits d’Office et de dévotion !

Un motu proprio devrait intervenir pour refondre le statut des chapitres des trois archi-basiliques romaines. Le but de cette opération étant d’abord de rendre plus « vivantes » et « participantes » les liturgies basilicales. Et puis, avant ou lors de la publication de la constitution apostolique Prædicate Evangelium, qui réformera la Curie, un rôle moteur pour la manière de célébrer à Rome sera donné à la Congrégation pour le Culte divin, qui devrait absorber l’Office des Célébrations liturgiques pontificales. D’où les bruits qui veulent que l’ultra-bugninien Mgr Viola, prenne la tête de la Congrégation, assisté de Mgr Guido Marini, Maître des célébrations liturgiques pontificales, comme Secrétaire de la Congrégation.

Une nouvelle onde d’affadissement et de banalisation va s’étendre sur la liturgie romaine. Il est vrai qu’au niveau où est descendue la liturgie romaine, le pire n’est même plus à craindre.

Pio Pace