01/02/2019

En France, les Équipes d’Animation Pastorale

Par Don Pio Pace

Le Code de Droit canonique prévoit que les paroisses peuvent être dotées d’un « conseil pastoral », purement consultatif (canon 536), et doivent avoir un « conseil pour les affaires économiques » (canon 537). Mais, depuis au moins une trentaine d’années, la pénurie sacerdotale s’accentuant, on voit apparaître en France des groupes de laïcs très actifs dans la direction de la paroisse. Leur existence prend théoriquement appui sur le canon 519, qui dit que le curé exerce sa charge « avec l’aide apportée par des laïcs », operam conferentibus laicis. En réalité, ces communautés s’inspirent du canon 517 §2, qui a toujours beaucoup inquiété les canonistes les plus sérieux, et qui prévoit qu’en raison de la pénurie de prêtres, l’évêque peut confier « une participation à l’exercice la charge pastorale d’une paroisse », participationem in exercitio curæ pastoralis, à un diacre, à une autre personne non prêtre, ou à une communauté de personnes, cependant qu’un prêtre – résidant généralement non loin de la paroisse – est nommé « modérateur » avec pouvoirs et facultés de curé.
Dans le diocèse de Poitiers, qualifié par le quotidien La Croix de « diocèse laboratoire » (15 mars 2012), l’archevêque, aujourd’hui émérite, Mgr Albert Rouet, avait publié un décret, en octobre 2010, réduisant à quelques vastes paroisses le quadrillage pastoral du diocèse. Il confiait chacune d’elles à une équipe de cinq laïcs responsables, auxquels l’évêque conférait des « ministères reconnus », et auxquels se joignaient dix à vingt autres personnes, l’ensemble formant une « communauté chrétienne de base ». Un prêtre « accompagnait » cette communauté, sans que les attributions des uns et des autres soient clairement définies. Du coup, onze prêtres du diocèse avaient porté un recours devant la Congrégation pour le Clergé et le Conseil pontifical pour l’Interprétation des textes législatifs, lequel avait abouti à une suspension du décret. Et Mgr Wintzer, successeur de Mgr Rouet, avait donc réécrit la copie, publiant un autre décret qui réorganisait les paroisses de manière classique et recadrait les communautés dans un rôle plus modeste.
Dans bien d’autres diocèses moins médiatisés, la prise en charge des paroisses par des équipes de laïcs, appelées Équipes d’Animation Pastorale (ÉAP), continue à avancer discrètement. À ces communautés de laïcs est confiée la participation à l’exercice de la charge pastorale d’une paroisse du canon 517 §2. On resterait dans les clous canoniques si ces ÉAP n’avaient à gérer que des paroisses sans curé. Mais le coup de force juridique pratiqué dans certains diocèses consiste à installer ces ÉAP s’inspirant du canon 517 §2, tant dans les paroisses où il y a un curé que dans les paroisses sans curé. Les ÉAP tendent donc à généraliser l’existence d’équipes de laïcs participant à l’exercice de la charge pastorale des paroisses, et rejettent le prêtre dans un rôle d’accompagnateur. Bien des évêques français auront bientôt à leur disposition si peu d eprêtres que leurs diocèses seront divisés en une poignée de paroisses prises en charge par des laïcs, avec quelques prêtres qui sillonneront le diocèse pour consacrer et absoudre.

Pio Pace

Voir aussi :
En Allemagne, les assistants pastoraux
Les ADAP et les APAP